L'ARCHE DE NOE.
L'auteur de ces lignes est (hélas !) un vieux monsieur , qui écrivit autrefois des contes qu'il destinait à ses petits-enfants.
Ces contes ont dormi longtemps au fond d'un tiroir et je les en ai exhumés tout récemment.
A présent ce sont mes arrières-petits-enfants qui les liront....Mais , si votre curiosité vous y incite...Je vous livre l'un d'eux.
L'Arche de Noé
Bien que les Saintes Ecritures n'en fassent pas mention clairement, nous
savons qu'au temps de Noé les animaux parlaient.
Certes ils ne s'exprimaient pas comme vous ou moi, mais il éxistait
un langage universel que l'homme comprenait et qui permettait à la petite souris
de converser avec la girafe, et à la mère cane de gronder les
tétards de la mare lorsqu'ils étaient par trop turbulents.
De son côté, le tigre courtisait la lionne, et dame hippopotame se laissait
charmer par ce bellâtre d'hippocampe.
Ainsi allait le monde en ce temps -là.
Les gens n'étaient ni meilleurs ni pires que de nos jours, mais il faut croire
que la justice immanente se manifestait alors bien plus sévèrement qu'aujourd'hui.
Ce qui devait arriver arriva.
En ce qui concerne le récit du Déluge, veuillez vous reporter à votre Bible habituelle
Genèse, chapitres 6 à 11. Ceci pour la partie officielle.
Mais en ce qui concerne les à-côtés de cet important évènement, nous avons
pu reconstituer certains d'entre eux. (Les ressources de la science moderne
sont inépuisables.)
Ainsi, nous savons que le rassemblement et l'embarquement à bord de l'arche,
de toutes les espèces ne se fit pas sans tintouin...Pardon, sans problèmes.
Exemple : Quand madame la tortue fut enfin montée à bord, monsieur la tortue
en était encore à se poser la question :
" Mais après qui court-elle donc?
Noé et ses fils : Sem, Cham, et Japhet ne savaient plus ou donner de la tête...
et du bâton. Car, il faut bien l'admettre, les choses n'étaient pas toujous simples.
Malgré les reproches, les réprimandes des humains, les animaux n'en faisaient
qu'à leur tête.
Les premiers embarqués s'impatientaient... Pensez donc, les antilopes du désert
et les émeux se défiaient sans cesse : cinquante fois le tour de l'arche .Le dernier
rentré paie une tournée générale. C'etait tantôt l'un tantôt l'autre... Et comme le
raisin, muri au chaud soleil de Canaan donnait un vin corsé et liquoreux, les soirées
à bord n'étaient pas tristes. On ne peut pas parler de beuveries, mais lorsque
madame puce avait le hoquet elle sautait trois fois plus haut que son conjoint,
qui, lui-même, passait pour un sauteur hors du commun...
Un soir que Noé avait du vague à l'âme, il saisit une flûte et, l'inpiration aidant,
il éxécuta une de ces mélopées orientales dont il avait le secret.
C'est alors que toute la gent rampante descendit de l'arche et, entourant le
musicien, se mit à onduler en cadence... Du ver de terre jusqu'au boa...
Pour ce qui est de leur faire regagner leurs cabines, ce fut, parait-il, la croix
et la banière, enfin... C'est une expression équivalente qu'ils utilisèrent...
La colombe, oui, celle qui devait ramener le rameau d'olivier quelques semaines
plus tard, pour semer la zizanie parmi ses semblables, n'avait pas son égale.
Les apparences sont trompeuses, n'est-ce pas...?
Les abeilles, elles, voulaient toutes s'embarquer, tout un essaim.
Mais comme il ne fallait qu'un couple, Noé dut utiliser un stratagème : le couple
qui fournirait le plus de miel en 24 heures, serait élu.
Si Noé ne succomba pas sous les dards des abeilles évincées, ce fut un miracle !
(L'un des premiers de l'Histoire.)
En ce temps-là déjà, le chat et le chien ne s'aimaient pas, et c'était à qui jouerait à
l'autre le tour le plus pendable.
On retrouvera, un jour le chat blanc de Madame Japhet au fond d'un fût de goudron.
On vit même une chatte, une vraie beaute,acheter les services d'un singe,et celui-ci
attacher une vieille casserole à la queue d'un chien.
Or, si les moeurs des humains étaient semblables à celles des animaux, on
comprend aisément que l'Eternel-qui avait créé l'homme à son image- voulut mettre
fin à ce monde décadent.
Lorsque les premieres gouttes de pluie commencèrent à tomber, nul ne s'inquiéta.
Comme bien des orages, celui-ci surprit tout le monde, sans plus. Puis les rivières
grossirent rapidement ; elles quittèrent bientôt leurs lits, inondant les terres
alentours.On vit les rats des champs, les souris, les mulots se réfugier à la cîme
des plus hauts arbres. Mais la pluie tombait toujours et l'eau montait.
Les humains périssaient noyés, et avec eux tous les mammifères. Seule, la faune
aquatique s'en tirait à peu près bien. Ce n'est que plus tard, lorsque les eaux
baissèrent que les poissons se retrouvèrent hors de leur élément et disparurent.
C'est ainsi qu'on retrouve encore de nos jours les ossements d'une baleine au
sommet d'une montagne, sans toujours comprendre ce qu'elle était venue faire en ce
lieu. Noé, et les siens commençaient à trouver le temps long.Les jeux de cartes, les
échecs ( je veux dire les ancêtres de ces jeux), c'est bon un moment, mais on finit
par s'en lasser. Certes, il fallait nourrir les animaux, les abreuver, nettoyer les
locaux. Quelques jours suffirent pour organiser le travail. En huit jours tout était au
point, parfaitement rodé. D'un bout à l'autre de l'arche, les nouvelles circulaient à une
vitesse stupéfiante . Le téléphone avant l'heure. " La couvée de madame l'oie avait
donné six oisons superbes...et deux canetons...très mignons.
Monsieur et madame écureuil étaient brouillés...Madame ayant surpris son époux
en compagnie de madame hérisson.
L'odeur des putois indisposait leur voisinage...et impossible d'aérer.
Madame et monsieur fourmi, en promenade sur les flancs de l'éléphant étaient portés
disparus.
Vous voyez d'ici le branle-bas pour les retrouver...Ce fut le lynx à l'oeil perçant qui les ayant
aperçus signala leur présence sur la queue du pachyderme. Monsieur madame fourmi se firent
copieusement..gronder.On les pria de se déplacer désormais en compagnie du couple verluisant.
Une nuit, dame grenouille quitta le pont des batraciens et partit en goguette avec son
compère le lézard. Allez donc savoir comment le couple aboutit dans la réserve où Noé avait
emmagasiné le jus de sa treille...C'est miracle (encore un) si la grenouille ne se noya
pas, ce jour-là dans la plus grande des barriques, en voulant goûter au "Côtes del'Euphrate" ,
cuvée du patron.Heureusement, le lézard etait présent et la tira de cette mauvaise situation.
Le caméléon qui ne s'était jamais trouvé en aussi vaste compagnie, s'essayait à
prendre les couleurs du plus grand nombre, mais il restait tout desorienté devant le zèbre, la pie,
ou la coccinelle...
Le retour de la colombe - avec son rameau d'olivier - ayant confirmé la fin du déluge
les préparatifs du débarquement commencèrent.
S'adressant à ses pensionnaires, Noé s'écria :
Puisse la terre sur laquelle nous abordons être remplie de chants, de cris de joie, de
toutes les manifestations de bonheur, de paix, de sérénité qui, désormais , règneront
sur elle. Ainsi soit-il.
Et tous les animaux répondirent : Amen.
On se sépara , le coeur gros, en se promettant de se revoir un jour prochain...
Les oiseaux, puis les insectes ailés quittèrent l'Arche, les premiers, sans attendre le
feu vert.
Les plus rapides, antilopes, gazelles et autres coureurs débarquèrent les premiers et
prirent possession des immensités vierges que l'Eternel leur accordait.
Les derniers à quitter l'Arche furent, comme toujours, les familles nombreuses :
La truie et ses quinze petits cochons, sa cousine la laie, et ses douze marcassins,
cependant que ces messieurs porc et sanglier évoquaient leurs dernières
performances paternelles.
Le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui étant devenu celui que vous
connaissez, vous ne serez pas surpris d'entendre que, depuis peu, j'entreprends
moi aussi, la construction d'une arche.
Et vous... Qu'attendez-vous pour en faire autant ?